Les Hôtes Illustres

Pas de portrait connu de André Michel Guerry
Pas de portrait connu de André Michel Guerry

Signature de André Michel Guerry

La présente table contenant treize noms a été
arrêtée par nous soussigné Maire de Beaumont
la Chartre Le premier janvier mille huit cent
quarante sept
     Guerry


Biographie d'André Michel Guerry, Membre de l'Institut, Chevalier de la légion d'honneur,
Maire de Beaumont-la-Chartre de 1846 à 1855.

Sa vie et ses travaux

Il voit le jour le 24 décembre 1802, un cadeau de Noël avant l'heure pour ses parents, Michel Guerry (1761-1831) et Catherine-Thérèse Bouquin (1761-1842). Son acte de naissance, archivé à Tours, précise que son père est entrepreneur de travaux publics et que la famille habite 62 rue Corneille (devenue successivement rue Saint-Etienne en 1816, puis rue Bernard Palissy en 1884).
Ses parents ont alors 41 ans ; il restera fils unique : on n'a retrouvé aucune autre déclaration de naissance ou de baptême. La situation de sa famille est confortable. Vers 1815-1820, il fréquente le collège communal de Tours (maintenant lycée Descartes) et ses pairs le considèrent comme un élève sérieux. Hippolyte Diard, dont nous aurons l'occasion de reparler, écrira de lui en 1867 : « Il était enfant de la Touraine, et tous ses condisciples ont gardé le souvenir des habitudes sérieuses de sa jeunesse.
Son goût pour la statistique s'est manifesté sur les bancs de l'école ». Il étudie le Droit à la Faculté de Poitiers et, peut-être, la littérature et la physiologie. Il s'installe à Paris où il est admis au Barreau comme avocat royal en 1825, année à partir de laquelle le Ministère de la Justice entreprend de publier des statistiques des affaires criminelles sous le nom Compte Général de l'Administration de la Justice Criminelle en France, à l'instigation du directeur des affaires criminelles et des grâces, Jacques Guerry-Champneuf.
C'est un document considérable qui regroupe les rapports trimestriels établis dans chaque département et recensant par le détail tous les procès criminels traités par les tribunaux. On y trouve, pour chaque criminel, son âge, son sexe, son métier, la nature de son crime. En 1827, Guerry travaille, sous les ordres du Préfet de la Seine, sur les crimes commis dans Paris. Cet événement va orienter toute sa vie professionnelle. Ce travail le passionne au point d'abandonner ses activités d'avocat et de se consacrer à l'étude et à l'interprétation de la criminalité en relation avec les comportements moraux et sociaux.

Premières publications

Dans sa jeunesse, Guerry avait cultivé divers centres d'intérêt comme la médecine, l'ethnologie et la musique (on trouve, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de France de 1830 un article signé de lui : Sur les anciens chants populaires du Poitou, accompagné de la notation musicale). Il ne perdra jamais cette curiosité d'esprit : il se consacrera, entre autres, à diverses études sur les caractères spécifiques des malades mentaux internés et des individus emprisonnés, en relation avec la météorologie, les saisons et les maladies.
A 27 ans, en 1829, il publie un premier mémoire : Sur les variations météorologiques comparées aux phénomènes physiologiques, en collaboration avec le géographe vénitien Adriano Balbi. Il examine, et l'idée est nouvelle, les relations entre d'une part, le temps qu'il fait et les phénomènes saisonniers et, d'autre part, les admissions dans les hôpitaux et la mortalité due à diverses infections.
Il reporte ces données sur une série remarquable de 26 cartes et graphiques accompagnés de diagrammes originaux, procédé de représentation qu'il a imaginé mais dont on lui contestera la priorité. Nous y reviendrons. Son travail est publié dans Les Annales d'Hygiène Publique et de Médecine Légale, malheureusement sous forme abrégée.
La même année, toujours en collaboration avec Balbi, il présente un document : Statistique comparée de l'état de l'instruction et du nombre des crimes dans les divers arrondissements des cours royales, et des académies universitaires de France. Sur six grandes cartes de France, chaque département apparaît plus ou moins ombré selon l'importance des crimes contre les personnes et les biens, Ce procédé de représentation avait été utilisé, deux ans auparavant, par le baron Charles Dupin au Conservatoire des Arts et Métiers.

Les œuvres maitresses
Le 2 juillet 1832, Guerry soumet à l'Académie des Sciences, un Essai sur la Statistique morale de la France. page titre   VOIR la page titre
Ce travail assoira sa renommée. On y trouve des cartes topographiques et des tableaux de chiffres montrant, par région et par département, outre le nombre de crimes contre les biens et les personnes, le nombre de suicides en fonction de l'âge, du sexe et des mois et saisons, le niveau d'éducation, le nombre d'enfants nés hors mariage et l'importance des dons faits aux œuvres. Il y apparaît une remarquable stabilité dans le temps mais une évidente variation selon les départements. Aux observateurs français de la vie sociale des années 1830, période de troubles et de peur de la criminalité, craintes largement amplifiées par la presse et la littérature populaire, Guerry apporte de sérieux arguments en faveur d'une analyse nouvelle des questions sociales par les voies d'une démarche scientifique et non plus superficielle. Cet ouvrage fut approuvé par l'Académie, puis couronné par le prestigieux Prix Montyon de statistiques.
Les comptes rendus de l'Académie de 1833 contiennent le rapport élogieux du Comité qui lui a décerné le Prix. Il retient l'attention des milieux européens spécialisés dans ces questions ; en particulier, une série de six belles cartes en couleurs soulève un grand intérêt. Guerry est alors élu membre correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques (section morale) en 1844 et élevé au grade de Chevalier de la Légion d'honneur le 25 août 1849. Cet important travail fait l'objet de nombreux comptes rendus.
Au cours des années qui suivent, Guerry exposera ses cartes et tableaux statistiques en divers points de l'Europe : en particulier, lors de deux expositions en Angleterre, en 1851, à Londres à Crystal Palace, à l'occasion de la Grande Exposition de Londres, puis à Bath, à la demande de la BAAS (British Association for advancement of Sciences). Ce travail lui vaudra d'être admis à la Commission des casiers judiciaires d'Angleterre grâce au soutien du président de cette association, William Farr.
La renommée de Guerry se répand. L'ensemble des données recueillies se concrétise dans un travail plus ambitieux présenté à l'Académie des Sciences en 1860 et publié avec une longue introduction en I864 : Statistique Morale de l'Angleterre comparée avec la Statistique Morale de la France. Imprimé in-folio (56 x 39 cm), il comprend 17 planches : 15 cartes d'Angleterre et de France en couleurs estompées, illustrant les différents types de criminalité (personnes, biens, meurtres, vols, viols, incendies volontaires), le niveau d'éducation et les suicides. On y trouve, en plus, sous forme de graphiques, deux tableaux complexes montrant les distributions et les tendances dans les deux pays, sur une période de 30 années.
On ne peut qu'être impressionné par la quantité d'informations recueillies par Guerry : 226 000 cas de crimes individuels dans les deux pays sur cette période et plus de 85 000 dossiers de suicides, classés selon leur motivation et autres critères. Guerry estimait que, placés bout à bout, ils auraient couvert 1 170 mètres Cet atlas est couronné par l'Académie des Sciences en 1860 et vaut à l'auteur, pour la deuxième fois, le Prix Montyon ! En octobre 1864 Guerry, devenu membre de la Société de Statistiques de Londres, est invité par William Farr, à assister aux réunions de la BAAS ; ses splendides planches sont présentées aux 2 500 membres présents et commentées par le Vice- Président W. Heywood. Il ne cessera de consulter et de résumer les volumineux dossiers recensant crimes et autres délits, à la demande conjointe de l'Angleterre et de la France.

Pour l'aider dans ses classements, il concevra et réalisera une machine qu'il nommera l'Ordonnateur statistique.

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Alfred Maury, membre de l'Institut, écrira en 1866, que cet instrument fut remis par ses héritiers au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris, mais on n'en a pas retrouvé trace.

Tandis qu'il consultait les archives de la Ville de Paris, Guerry fut frappé d'une attaque d'apoplexie. Il survécut mais s'affaiblit progressivement et mourut le 9 avril 1866. Alfred Maury, prononça l'éloge funèbre qu'il conclut par ces mots : « André-Michel Guerry a succombé sous le poids du rude labeur qu'il s'était imposé ; il a sacrifié sa santé, compromis sa fortune, usé sa vie pour l'avancement d'une science dont il a posé les premières et les plus solides assises».

L'originalité de l'œuvre de Guerry

Nous avons, ci-dessus, énuméré ses travaux. Il convient maintenant de préciser l'importance des apports de Guerry aux sciences sociale, cartographique et statistique. Ses travaux ont fait l'objet de publications dans diverses revues ; tous sont des jalons significatifs qui méritent d'être considérés comme déterminants dans l'histoire de ces disciplines. Le portrait que nous voudrions en dresser est celui d'un amateur, au plus riche sens du terme, un statisticien scrupuleux et inventif, travaillant en un temps où l'évaluation quantitative des actes criminels et des comportements sociaux était une nouveauté ; en outre, il convient de souligner l'idée qu'il eut de représenter ces informations au moyen de graphiques et de cartes. Précurseur et inventeur dans bien des domaines, Guerry, à travers toute son œuvre, a cherché à dépasser la simple description des faits, afin d'établir et de comprendre les rapports entre les divers facteurs qui conditionnent, et donc peuvent expliquer les conduites humaines dans la vie sociale et morale.
Examinons de plus près, les premiers travaux statistiques et graphiques que nous avons précédemment signalés. Nous avons mentionné l'atlas intitulé Statistique comparée de l'état de l'instruction et du nombre de crimes publié en 1829. Guerry entendait comparer le niveau de criminalité au niveau d'instruction dans toute la France, pour voir si, comme certains le suggéraient, une meilleure éducation contribuerait à faire diminuer le nombre de crimes. Les idées alors répandues voyaient, comme causes de la criminalité, le manque d'éducation et la misère. Plutôt que présenter des cartes séparées, il reporta sur la même feuille trois cartes montrant les crimes contre les personnes, les crimes contre les biens, et le niveau d'instruction pour chaque département. Guerry employa le procédé des cartes plus ou moins ombrées, déjà utilisé par Charles Dupin, en 1826, pour ses Cartes figuratives de l'instruction populaire en France.
En 1833, Guerry écrira, à propos de ce procédé : « Les dégradations de nos teintes font ressortir à l'instant des rapports de position géographique qui se fussent perdues dans de longues séries de chiffres ». Le résultat fut surprenant ; il mit en évidence :
a) que le nombre de crimes contre les biens était partout inversement proportionnel au nombre de crimes contre les personnes, avec une tendance à augmenter en zone urbaine (ne pas perdre de vue que la criminalité est un phénomène complexe).
b) qu'il n'existe probablement pas de relation précise entre quelque crime que ce soit avec le niveau d'instruction.

Toujours en 1829, Guerry explore, et c'est une nouveauté, les relations entre, d'une part, les phénomènes météorologiques et les admissions dans les hôpitaux et, d'autre part, la mortalité due à diverses infections. Pour ce faire, il s'appuie sur une dizaine d'années d'observations relevées par l'Observatoire royal, le Bureau central des hôpitaux de Paris et d'autres sources. Ces données, illustrées par une série de 26 cartes et graphiques indiquant mois par mois, la température, les jours de pluie, de neige, de brouillard, de soleil, permettent la comparaison avec les cartes correspondantes des causes d'admissions dans les hôpitaux, puis avec les naissances, les décès, les mariages et même les suicides. Ce travail est particulièrement remarquable par la présentation de six diagrammes synoptiques d'une conception nouvelle et originale que Guerry appelait curieusement « courbes circulaires » ; ils se présentent comme des histogrammes disposés autour d'un axe central, permettant de saisir d'un coup d'oeil les variations de l'orientation des vents selon les mois de l'année, ou celles des naissances ou des décès à Paris selon l'heure de la journée etc...
La paternité de ce nouveau type de représentation synoptique aurait dû revenir à Guerry : elle fut unanimement attribuée à la philanthrope anglaise Florence Nightingale qui l'utilisa en 1857, soit 28 ans plus tard, pour comparer le nombre de soldats de l'armée britannique tués au combat au cours de la guerre de Crimée avec celui des militaires morts dans des circonstances où ils auraient pu être sauvés, afin d'en tirer argument en faveur de l'amélioration des hôpitaux militaires. Signalons, au passage, que l'étude de Florence Nightingale entraîna un mouvement d'opinion qui contraignit, l'état-major anglais à réformer complètement son système de santé. Jusqu'à sa mort, Guerry s'efforcera de généraliser et d'affiner ces premiers résultats, à élargir la méthode statistique à d'autres sujets en essayant d'apporter des solutions à des questions méthodologiques telles que:
- Comment mesurer le degré d'alphabétisation et le niveau de connaissances ?
- Faut-il évaluer la criminalité à partir du nombre des accusés ou du nombre des condamnés ?

Son souci permanent fut la recherche des rapports entre la vie morale et la réalité sociale. Il contribua au développement des statistiques alors balbutiantes, ne partageant pas le point de vue du statisticien I.Bienaymé pour qui les statistiques ne peuvent pas se concevoir sans les probabilités. Dans son premier ouvrage, l'Essai sur la Statistique morale de la France (1833), Guerry, dès les premières pages, présente son objet et sa méthode : « Jusqu'ici, on s'était borné presque exclusivement à rassembler les faits relatifs aux populations et à la connaissance de ses richesses commerciales ou agricoles ; on n'avait pas encore songé à recueillir, dans un ouvrage spécial, ceux qui font apprécier l'état moral de ses habitants ».
Il précise plus bas : « La statistique criminelle devient aussi positive, aussi certaine que les autres sciences d'observation lorsqu'on sait s'arrêter aux faits bien constatés, et de les grouper de manière à les dégager de ce qu'ils offrent d'accidentel. Ses résultats se présentent alors avec une grande régularité qu'il est impossible d'attribuer au hasard ». Pour Guerry, les comportements humains au sein des sociétés pourraient résulter de conditions sociales, tout comme les objets inanimés, sont dépendants des lois physiques. Cet Essai contient, nous l'avons dit, de nombreux tableaux présentant l'analyse de crimes classés selon des critères comme l'âge, ou le sexe de l'accusé. Au-delà de la simple description, il ventile les empoisonnements, les meurtres, les massacres, les incendies en tenant compte des motivations mentionnées dans les attendus des procès. L'analytique morale constate ce qui est. L'analytique morale a pour objet, non l'analyse intérieure ou l'analyse psychologique mais l'étude de la réalité purement extérieure et des phénomènes sensibles susceptibles d'être numériquement constatés. Elle exclut les hypothèses et les appréciations arbitraires et fournit des résultats d'une fixité remarquable non moins certains que ceux des sciences physiques. (A.-M.Guerry, 1864)
Cette recherche des causes est particulièrement visible dans l'analyse qu'il fait des suicides. Sur une période de trois ans, il se procure les notes de la police parisienne touchant les suicides et les ordonne selon les raisons, affectives ou autres, qui ont conduit à se donner la mort. Nous avons ici le premier exemple de ce qu'on appelle, en sciences sociales, l'analyse psychosociologique. Cette démarche dans l'étude de l'acte suicidaire sera, plus tard, reprise par Durkheim (1897) sans référence objective à Guerry ni à d'autres statisticiens exerçant dans le domaine social. Florence Nightingale ne cita pas son nom.

La dernière réalisation de Guerry, Statistique morale de l'Angleterre comparée avec la statistique morale de la France, est publiée en 1864. Pour les raisons déjà exposées, je le considère comme un chef-d'œuvre, une des plus importantes contributions à la cartographie thématique développées au XIXe siècle. On sait que seuls quelques exemplaires sont consultables actuellement au British Museum de Londres, à la Staatbiliothek de Berlin, à la médiathèque de Poitiers (cote Aa 94), et à Paris à la Sorbonne, à la bibliothèque Sainte-Geneviève et à celle de l'Institut. Son Atlas de cartes et constructions graphiques représentant les résultats généraux de tableaux numériques sur 17 planches, est précédé d'une Introduction contenant l'histoire de l'application des nombres aux sciences morales. La BnF ne possède que l'Introduction. Il y décrit une méthode (qu'il appelle analytique morale permettant d'étudier les rapports possibles de chaque crime (fraude, viol meurtre) avec un ensemble de caractéristiques sociales (densité de la population, évaluation de l'éducation en milieu agricole, facteurs religieux etc). Ses procédures étaient relativement simples, mais il fallut attendre presque trente années avant de voir apparaître les méthodes avec lesquelles la statistique moderne aborde ces questions.

Conclusion

Je conclurai ce bref survol de l'œuvre de Guerry sur un mystère historique. Dans ses textes introductifs, l'auteur ne tire ni analyse ni conclusion de l'énorme quantité d'informations accumulées pour la confection de ses cartes graphiques. Guerry n'avait ni enfant, ni frère ou soeur; ses cousins, guère plus jeunes que lui, Charles et André Poisson, étaient ses seuls héritiers. Charles (1818-1882) était juge de paix à Neuillé-Pont-Pierre et son frère aîné, André (1808-1875) conseiller d'arrondissement. Tous deux étaient membres de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire. A sa mort, Charles et Henri Poisson confièrent ses documents à un autre membre de la Société, Hippolyte Diard, ancien magistrat à la Cour de justice de Riom, retiré à Noizay, qui présenta un rapport sur les papiers laissés par Guerry. L'abbé C. Chevalier, secrétaire perpétuel de la Société, résume ainsi le jugement de Diard sur l'œuvre de Guerry, dans son rapport annuel de 1868 : « c'est une analyse fine et pénétrante, de l'intérêt majeur qu'offrent ces précieux papiers, explication et complément du magnifique atlas de M. Guerry». Diard ayant en 1869 invité la Société à publier une partie de ces manuscrits, et l'Assemblée ayant retenu cette proposition, l'abbé Chevalier ajoute « Vous ne pouviez, Messieurs, faire un choix plus digne de M. Guerry ». Ce projet ne fut jamais réalisé. L'histoire est parfois injuste et je pense que cette remarque peut s'appliquer à André-Michel Guerry ; elle l'est parfois aussi pour les historiens.

André-Michel Guerry possédait non seulement un don indiscutable pour les données numériques ; il avait aussi le talent d'en tirer des enseignements au moyen de représentations graphiques et cartographiques. Il a vécu à une époque où d'importantes questions de morale sociale se posaient, qui auraient demandé d'être traitées par des démarches plus scientifiques que philosophiques. Il fut, au bon moment, l'homme qu'il fallait au bon endroit ( the right man in the right place). Sa contribution majeure fut d'ouvrir, par ses études sur le suicide et la criminalité ainsi que leurs représentations sous des formes nouvelles, des perspectives à ce qui devait devenir les sciences sociales modernes. C'était aussi un homme modeste, par naissance et par nature. Il aurait pu faire valoir publiquement ses droits pour sa découverte de la statistique en criminalité, contre Quételet qui, bien introduit, en tira pour lui seul tout l'honneur. Certes, Quételet, célèbre astronome et mathématicien éminent, avait une vision plus large des choses ; mais, comme écrit Léon Radzinowicz, « Quételet était comme un grand arbre qui cherche à rapetisser ses voisins [...]. Les qualités de ces deux hommes étaient complémentaires et, finalement, leurs apports furent, de fait, parallèles. Ainsi, on peut dire, en toute honnêteté, que la sociologie de la criminalité doit sa conception à Guerry tout autant qu'à Quételet ». En 1991, le professeur Bernard Bru, écrivait : «Guerry dont la passion des chiffres statistiques se suffisait à elle-même [...] Il était si naïvement timide et si exigeant avec lui-même qu'il différait la publication de ses propres découvertes». Il ajoutait : « heureusement pour Quételet». Guerry mérite d'être mieux reconnu dans l'histoire des sciences sociales et dans celle des représentations visuelles des données statistiques qu'il ne l'est actuellement. La présente contribution a pour objet de suggérer qu'il puisse également être honoré dans sa ville natale.

Le 12 mars 2007, le professeur Michael Friendly, auteur de cette contribution, a écrit au Maire de Tours pour lui demander de trouver une façon d'honorer André-Michel Guerry soit par une plaque commémorative, soit en donnant son nom à un lieu public de la ville. Il souhaite assister personnellement à la cérémonie.

acte de naissance de André Michel Guerry - Voir l'acte de naissance de André Michel Guerry.

procès verbal de réception de chevalier de la légion d'honneur - Voir Le procès verbal de réception de chevalier de la légion d'honneur de André Michel Guerry le 3 octobre 1847.

acte de décès de André Michel Guerry - Voir l'acte de décès de André Michel Guerry.

document original format PDF - Voir l'éloge funèbre de André Michel Guerry par Alfred Maury (format PDF).

Le prieuré de Vaubouin, demeure de André Michel Guerry
Le prieuré de Vaubouin, demeure de André Michel Guerry.


L'œuvre de A.-M. Guerry (1802 - 1866)

M. Guerry, Note sur les usages et les traditions du Poitou, Mémoires de la Société royale des Antiquaires de France, tome VIII, 1829, 451-64, planches 18 et 19.
A.-M. Guerry, Tableau des variations météorologiques comparées aux phénomènes physiologiques, d'après les observations faites à l'Observatoire royal et les recherches statistiques les plus récentes, Annales d'hygiène et de médecine légale, 1829, vol. 1. impr. De Cosson, 1n-8°, 10 p., [BnF Vp 1348]
Adriano Balbi, A., & Guerry, A.-M., Statistique comparée de l'état de l'instruction et du nombre des crimes dans les divers arrondissements des Académies et des Cours Royales de France, Paris, Jules Renouard, 1829.
A.-M. Guerry, Motif des crimes capitaux d'après les comptes de l 'administration de la justice criminelle, Annales d'hygiène et de médecine légale, 1832, vol. 8.
Guerry, Mitivier et Leuret, Mémoire sur la fréquence du pouls chez les aliénés, considérée dans ses rapports avec les saisons, les phases de la lune, l'âge, etc. Annales d'hygiène et de médecine légale, 1832.
A.-M. Guerry, A.-M., Statistique comparée de l'état de l'instruction et du nombre des crimes, Revue rétrospective, Paris, Everat, août 1832. [BnF Rp 9053]
A.-M. Guerry, Essai sur la statistique morale de la France, Paris,1833. [BnF Gr. Fol L/31/50] (traduction anglaise : Hugh P. Whitt et Victor W. Reinking, Lewiston, New York, Edwin Mellen Press, 2002)
A.-M. Guerry, De l'accroissement du nombre des crimes et des récidives, Annales d'hygiène et de médecine légale, 1839, vol. 12.
A.-M. Guerry et Leuret, Recueil des chants pour les élèves de l'Ecole de l'Hospice de Bicêtre, 1840.
A.-M. Guerry et Leuret, Recherches statistiques sur les dimensions du crâne de l'homme sain, de l'aliéné et du criminel, d'après les observations faites dans les hospices de Charenton, de Bicêtre, etc. Annales d'hygiène et de médecine légale, 1845.
A.-M. Guerry, Mémoire sur la statistique morale de l'Angleterre comparée avec la statistique morale de la France, d'après les comptes de l'administration de la justice criminelle en Angleterre et en France, les comptes de la police de Londres, de Liverpool, de Manchester, etc., les procès-verbaux de la cour criminelle centrale, et divers autres documents administratifs et judiciaires, Compte rendu des séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, vol. 48, 1859, 5-51.
Atlas cartes et constructions graphiques [ 17 planches ] avec une « Introduction contenant l'histoire de l'application des nombres aux sciences morales », Paris, J.-B. Baillière et fils, 1864, in-f°. [BnF Gr. Fol N.319 Introduction seule]
A.-M. Guerry, Statistique morale de l'Angleterre comparée avec la statistique morale de la France, Atlas cartes et constructions graphiques [ 17 planches ] a vec une « Introduction contenant l'histoire de l'application des nombres aux sciences morales », Paris, J.-B. Baillière et fils, 1864, in-f°. [BnF Gr. Fol N.319 Introduction seule]
H. Diard donne une bibliographie complète des œuvres de Guerry dans Statistique morale de l'Angleterre et de la France, études sur cet ouvrage, Paris, 1866, incluant son « Recueil des chants pour les élèves de l'Ecole de l'Hospice de Bicêtre ».

Bibliographie

Bordat A. (1989) Neuillé-Pont-Pierre au coeur de la Gâtine tourangelle. Mairie de Neuillé-Pont-Pierre : Maury imprimeur.
Carré de Busserolle J.-X. (1878-1880) Dictionnaire géographique, historique et biographique d'Indre-et-Loire, Tours.
Centre généalogique de Touraine (2002) Une création tourangelle : la poste aux chevaux. Tours.
Chevalier L. (1958) Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIX° siècle. Paris : Plon 10.
Diard H. (1866) Statistique Morale de l'Angleterre et de la France par A.-M.Guerry : Etudes sur cet ouvrage. Paris /Tours : Baillière et fils / Ladevèze.
Diard H. (1867) Discours de A.-M. Maury et notices de MM. H. Diard et E. Vinet (sur André-Michel Guerry), Paris : Baillière et fils.
Diard H. 1867-1868) Sur les papiers laissés par A.-M. Guerry. Annales de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire : 1867 pp. 236-241, 1868 pp. 100-128.
Dupin C. (1827) Forces productives et commerciales de la France. Paris : Bachelier.
Durkheim E. (1897) Le Suicide. Paris : Alcan.
Elmer M.C. (1956) Contemporary Social Thought. PA: University of Pittsburgh Press
Friendly M. (2007) A.M .Guerry's Moral Statistics of France: Challenges for multivariable Spacial Analysis. Statistical Science 22.
Larousse P. (1866) Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. Paris : Larousse.
Nightingale F. (1857) Mortality of the British Army. Londres : Harisson and Sons.
Pasky G. (1996) Des chiffres et des cartes. Naissance et développement de la cartographie quantitative française au XIX° siècle. Paris : CTHS.
Radzinowczik L. (1965) Ideology and Crime: the Deterministic Position. Columbia Law Review.
Vapereau G. (1858) Dictionnaire universel des contemporains. Paris : Hachette.
Vinet E. (1864) Journal des débats.

La famille d'André Michel Guerry (24 décembre 1802, Tours - 9 avril 1866, Paris)

L'histoire de sa famille était en partie inconnue avant la publication de cette étude. D'après son acte de naissance (qui comporte le seul prénom de Michel), ses parents étaient Michel Guerry (1761 - 1830) et Catherine Thérèse Bouquin (1761 - 1842) ; le premier témoin, André Poisson était son cousin, tanneur, habitant à Amboise. Il fut baptisé le jour de Noël, le 4 nivôse an X, dans la paroisse Saint-Martin (cathédrale). Le seul document personnel de Guerry connu jusqu'à ce jour et cité par Diard, mentionnait André et Charles Poisson, ses cousins, comme ses héritiers. « Parmi les biens laissés par Monsieur Guerry et offerts par ses héritiers MM. Charles et André Poisson à la Société des Sciences Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire et détaillés devant cette Compagnie, figurait une liasse contenant des papiers que Monsieur Guerry avait classés et qu'il avait évidemment l'intention de conserver ».
Cette remarque en bas de page fut pour moi très importante eu égard aux travaux de Guerry ; elle permit de retracer l'histoire de la famille. La généalogie ici présentée provient de différentes sources : une publication du Centre généalogique de Touraine sur les maîtres de poste (2002), et un ouvrage d'André Bordat (Neuillé-Pont-Pierre au coeur de la Gâtine tourangelle, 1989), l'arbre généalogique reconstitué par Olivier Dibos ainsi que les archives de Tours ou de ses environs. Enfant unique, il ne se maria pas et n'eut pas de descendant : sa lignée disparut avec lui. Son arbre généalogique a pu être reconstitué jusqu'à l'aube du XVIIe siècle pour son père et du XVIIIe siècle du côté maternel. Le père de Guerry, Michel (1761-1830), qualifié de propriétaire, est né à Neuillé-Pont-Pierre où son père tenait le relais de poste de La Roue, situé au carrefour de la route de Tours au Mans avec celle de Blois à Angers, et mourut à Tours. La famille possédait cette auberge depuis Louis Guerry (1645-1696), soit au moins deux générations. En remontant deux autres générations, on arrive à Hector Guerry né en 1622 et finalement à Etienne né en 1590 connu comme grand valet du Roi. Concernant les autres ancêtres d'André-Michel, la plupart d'entre eux résidaient dans les environs de Neuillé-Pont-Pierre ; ils étaient fermiers, meuniers ou commerçants. Son père, peut-être désireux de changer de vie, s'était installé à Tours comme entrepreneur où il épousa Catherine Bouquin, fille du jardinier Jean Bouquin et veuve en première noce de Joseph Hodelin. Il semble y avoir connu une certaine réussite qui lui permit d'envoyer son fils au collège. André-Michel fut vraisemblablement le premier de la famille à fréquenter l'université, voire un collège.
Les archives municipales de Tours mentionnent que le père d'André-Michel, baptisé le 28 août 1761 à Neuillé-Pont-Pierre, est mort à Tours le 30 août 1830. Sa mère, Madelaine (sic) Bouquin, née en 1761, mourut le 10 mai 1842 à Tours. Entre temps, le relais de la Roue était passé à la plus jeune de ses tantes, Anne-Marie Guerry (1764-1790) qui avait épousé le 2 août 1783 à Neuillé-Pont-Pierre André Poisson (1760-1799) dont le grand'père habitait la paroisse de Bannes, sur le bord du Loir. Il leur était né au moins cinq enfants parmi lesquels André-Michel Poisson (1784-1841) et sa soeur Désirée-Françoise (née en 1790) qui furent les parrains de leur cousin Michel Guerry à son baptême le 25 décembre 1802 dans la paroisse Saint-Martin de Tours (cathédrale). André-Michel Poisson aubergiste à la Roue fut maire de Neuillé-Pont-Pierre de 1823 à 1841. André-Michel Poisson épousa Madeleine-Rose Lemaître à Faverolles et eut plusieurs enfants dont deux, André Poisson (1808-1875) et Charles Poisson (1818-1882) devaient devenir les héritiers auxquels André-Michel légua, outre ses manuscrits, l'Ordinateur statistique et d'autres objets. André poursuivit la tradition familiale; il devint maître de poste à la Roue et conseiller d'arrondissement. Son frère cadet Charles demeura célibataire et fut juge de paix à Neuillé à la même époque.
Les renseignements généalogiques que nous avons recueillis sur les familles Guerry et Poisson s'achèvent avec André-Michel Guerry qui n'eut pas d'enfant et André-René Poisson qui épousa Marie-Françoise Valin à Charentilly et eut plusieurs filles sans descendance connue. L'auberge de la Roue est restée pendant plusieurs siècles dans les familles Poisson et Cormery ; puis elle s'est transformée en hôtel Sainte-Barbe. Ces familles bourgeoises de Neuillé-Pont-Pierre, sont bien décrites dans l'ouvrage d'André Bordat sur Neuillé-Pont-Pierre qui montre que les familles Guerry et Poisson sont alliées à celles de l'ingénieur Armand Moisant (1838-1906) ou du folkloriste Jacques-Marie Rougé (1873-1956).

Auteur: Professeur Michael Friendly université de York, Toronto, Canada     Traduction: Maxime Cunin

Le site de Michael Friendly donne des informations sur A.-M.Guerry et des images haute-résolution de certaines de ses publications : http://www.datavis.ca/gallery/guerry/



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Généalogie de André Michel Guerry


arbre généalogique de A.M Guerry

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