Aphonse Dulaurier

Le colonel Athanase Ronchont (1861-1946) apparaît de manière autant fugitive que mémorable dans L'Oreille cassée. Il est ce militaire en retraite plein de fougue venu a la rescousse pour tenter d'appréhender le soi-disant fantôme de Balthazar, le sculpteur assassiné par Rodrigo Tortilla. La récente découverte d'un fort volume de ses Mémoires sur l'étal d'un brocanteur du Vieux Marché et de patientes recherches aux Archives de la Ville de Bruxelles ont permis à notre cher Alphonse Dulaurier de lever le voile sur l'une des plus fameuses énigmes de la tintinologie. Laquelle ? Vous le découvrirez en dévorant l'article de notre inusable généalogiste.



Le colonel Ronchont



Athanase Ronchont naquit le 21 janvier 1861 à Bruxelles, dans le quartier des Marolles. Sa mère, Klahra Biszthuï, d'origine syldave, avait été femme de chambre au palais de Laeken. Victime des assiduités du jeune Duc de Brabant, le futur Léopold Il, Klahra se vit contrainte de quitter la résidence royale et d'épouser rapidement Hildevert Ronchont, voyageur de commerce, un homme grave, toujours boutonné jusqu'au menton. Quelques mois plus tard nous en tairons pudiquement le décompte, le jeune couple accueillait son fils unique, Athanase. Après une enfance austère et une adolescence batailleuse, ce dernier entama une glorieuse carrière sous les armes.


Promu de l'École royale militaire en 1882, il devint sous-lieutenant au 9e Régiment de ligne. Caserné d'abord à Arlon puis à Liège et Namur, il retrouva sa ville natale en 1892 quand son unité fut transférée au Petit-Château. Trois ans auparavant, il avait épousé Zerbinette Poembak, une solide paysanne originaire de Wépion qui lui donna un fils, Tiburce, né a Ixelles le 10 novembre 1891.


Une fois à Bruxelles, les Ronchont emménagèrent dans le confortable appartement qu'ils venaient d'acquérir. Situé au 1, rue de Londres au premier étage d'un immeuble de rapport, il leur permettait d'éviter la promiscuité de la vie de caserne. Cette installation n'empêcha nullement le jeune officier d'entretenir sa réputation déjà solide de coureur de jupons. De nature sanguine, le divin Athanase passa en effet ses plus belles années sur le champ clos des lits à baldaquins, gratifiant les villes de garnison de multiples rejetons. Parmi cette ribambelle, nous distinguerons cinq garçons qui, au physique, se ressemblaient quasi trait pour trait avec leurs moustaches noires, leur calvitie précoce et leur silhouette trapue. Sauf pour deux d'entre eux, qui passèrent toute leur vie ensemble, ils n'eurent pas l'occasion de se connaître. Mais le jeune Georges Remi, futur auteur des Aventures de Tintin, eut l'occasion de tous les croiser et s'amusa, quelques années plus tard, à les représenter dans son œuvre.


En 1909, après un rapide passage au Bureau des opérations du Ministère de la Guerre, 1e major Ronchont fut affecté au 1er Régiment de chasseurs, caserné à Tournai. Il venait d'être promu lieutenant-colonel quand la guerre éclata. Avec son unité, intégrée à la 6e Division d'Armée, il prit part à la défense d'Anvers puis couvrit le repli des troupes sur l'Yser. Il partagea ensuite l'âpre vie de ses hommes dans les tranchées, notamment dans les secteurs de Dixmude et de Ramskappelle.


Le 19 octobre 1918, fraîchement élevé au grade de colonel, il participa à la libération de Bruges, ce qui lui valut une citation à l'ordre du jour pour son dévouement, son courage et pour l'estime qu'il avait su gagner auprès de ses soldats. Six jours plus tard, il assista à la « joyeuse entrée » du roi Albert dans la ville libérée. Après l'armistice, il fut envoyé à Clèves, en Allemagne, dans le cadre de l'occupation de la Rhénanie.


S'il acheva là sa carrière militaire, il poursuivit ses assauts de galanterie bien après son retour à Bruxelles. En 1924, le colonel en retraite, qui avait aussi la réputation d'être un hédoniste et un fin lettré, fut admis au sein de la Société des Agathopèdes, un cercle secret composé de beaux esprits, de libres penseurs qui souhaitaient se distraire en s'adonnant à la gastronomie et en créant des canulars. Comme l'exigeait le règlement, il reçut, lors de son initiation, le nom d'un animal forcément comestible, à savoir « Tétras enjôleur ».


Parmi les joyeux lurons qui composaient l'assemblée, Athanase se sentait à son aise: il contribua plusieurs années durant à la rédaction de l'Annulaire agathopèdique et saucial, une espèce d'almanach hautement parodique. Sa participation fervente aux banquets de la société fut la cause principale de son embonpoint. Victime d'une crise de goutte, le colonel Ronchont mourut le 26 septembre 1946 dans sa villa du Coq-sur-Mer, acquise dix ans plus tôt, où il avait passé les dernières années de sa vie à rédiger ses Mémoires.


Le colonel Ronchont

Le soi-disant fantôme de Balthazar...


Le colonel Ronchont

Ce militaire en retraite plein de fougue.


Le colonel Ronchont

Rendez-vous : vous êtes cerné !


Le colonel Ronchont

La chambre de Balthazar.


Tiburce Rochont le fils du colonel Ronchont

Rare portrait de Tiburce Rochont.


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