Laissons à Tintin en personne le soin de nous présenter Popol et Virginie accompagnés de leur cheval Fleur d'Azur les héros éphémères des aventures de Popol et Virginie au pays des Lapinos.

«Les Aventures de Popol et Virginie au Far-West» parurent en feuilleton dans Le Petit Vingtième du 8 février 1934 au 16 août de la même année. Remaniée et mise en couleurs, l'histoire fut publiée dans Tintin en 1948.
C'est en 1952 seulement que l'album sortit chez Casterman. L'originalité de cette bande dessinée très méconnue consiste en la volonté d'Hergé d'aborder un registre résolument nouveau. Avec «Popol et Virginie au pays des Lapinos», nous quittons la figuration réaliste de «Tintin» et de «Quick et Flupke» pour entrer dans l'imaginaire.

Il s'agissait là d'une expérience, explique Hergé.
J'ai essayé de mettre en scène des animaux et j'ai rapidement vu que ça ne menait nulle part.
J'en suis donc revenu à des personnages humains.

C'est la première séquence de l'album qui est, de loin, la plus réussie. Malgré la juvénilité du public auquel il s'adresse, Hergé parvient à y décrire, en termes métaphoriques, une situation économique complexe. On retrouve sous cette description pleine d'ironie quelques-uns des thèmes privilégiés de notre auteur.
«Popol, chapelier, avait vu ses affaires baisser de façon inquiétante. La crise, surtout depuis la mode d'aller nu-tête, s'acharnait sur lui. Alors, comme il était homme de ressources, il liquida son commerce et partit, avec sa douce Virginie, chercher fortune ailleurs ... ».

Les deux vaillants oursons prennent donc le chemin du Far West et bientôt leur tente se trouve plantée. Il ne s'agit plus que de trouver des clients. Popol et Virginie lancent une campagne publicitaire pour le moins originale et en quelques heures la mode des chapeaux se répand parmi les Lapinos.

Voilà qui ne fait pas l'affaire du sorcier de la tribu, dont le commerce de plumes décline presque à vue d'œil.
Il a tôt fait de convaincre le chef du village de la gravité de la situation, d'autant que celui-ci se trouve intéressé aux bénéfices de son entreprise. La guerre économique est bientôt lancée.

«Achetez Lapinos. Boycottez les produits étrangers», peut-on lire sur les panneaux d'affichage. C'est le début d'un conflit armé qu'Hergé décrit d'une manière qui n'est pas sans annoncer L'Oreille cassée qu'il dessinera un an plus tard: tout comme Bazil Bazaroff, le fabricant de flèches n'hésite pas à approvisionner en même temps les deux camps ennemis.
L'ingéniosité de Popol, inventeur d'une mitrailleuse à flèches, lui permettra pourtant d'être finalement victorieux.

Le reste de l'album est malheureusement loin d'être aussi bien venu que ces quinze premières planches, comme si Hergé s'était rapidement désintéressé de ses personnages animaux.



Il reste toutefois que «Popol et Virginie», étant la bande dessinée la plus simple jamais réalisée par Hergé, a le mérite de mettre en évidence la technique narrative du dessinateur. Tous les codes fonctionnent ici à l'état pur, et comme en pleine lumière: il est amusant, pour le lecteur averti, de voir la machine hergéenne opérer dans sa version la plus dépouillée.



Il n'en est pas moins vrai que l'on quitte sans grand regret cet album pour retourner aux autres ouvrages du dessinateur.



Source : Le monde d'Hergé de Benoit Peeters.
Couverture : Popol et Virginie au pays des Lapinos

Popol inventeur de la mitrailleuse à flèches.

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