Tintin

Laissons à Tintin en personne le soin de nous présenter Quick et Flupke les deux «ketjes» de Bruxelles, ainsi que la victime de bon nombre de leurs facéties, le policier de leur quartier l'agent n°15.




Les Exploits de Quick et Flupke




Quick C'est le 23 janvier 1930, à peine plus d'un an après le départ de Tintin pour le pays des Soviets, que deux gamins insolents, deux «ketjes» comme on les appelle en bruxellois, faisaient leur entrée dans les pages du Petit Vingtième. Leurs exploits allaient s'y poursuivre, de manière quasi hebdomadaire, jusqu'au début de 1940. Trois cent dix épisodes environ se trouveraient ainsi publiés, dont la moitié seulement seraient ensuite repris en album.


Flupke Quel que soit l'angle sous lequel on l'envisage, cette série apparaît comme le négatif - au sens photographique des «Aventures de Tintin». A lire «Les Exploits de Quick et Flupke», on a l'impression qu'Hergé y a disposé tous les éléments que ses autres albums n'étaient pas en mesure d'intégrer.
Contrairement aux «Aventures de Tintin», ce n'est pas de fresques ambitieuses qu'il s'agit ici: ni multiples rebondissements, ni tensions maintenues jusqu'au dénouement, mais de simples gags qui se développent sur deux planches.


agent n°15 Pas le moindre exotisme, non plus, dans cette série: nulle exploration de contrées mystérieuses, aucune incursion dans des territoires inconnus, mais l'évocation d'un univers presque quotidien. Chacune des historiettes se déroule dans un Bruxelles qui doit beaucoup au quartier des Marolles, et presque toujours dans la rue.


Quick Mais c'est surtout une différence fondamentale de structure qui permet de distinguer les deux séries. Dans «Tintin» (et plus encore dans «Jo et Zette»), le désordre est toujours le fait de la situation extérieure, les héros ne visant pour leur part qu'à remettre les choses en place.
Dans «Quick et Flupke», à l'inverse, le trouble est à chaque fois causé par les personnages eux-mêmes, des personnages qui semblent avoir pour unique but d'introduire le plus de perturbations possible dans un univers au départ stable.


Flupke C'est cet aspect, d'ailleurs, qui fait la principale originalité de la série: «Le monde de Quick et Flupke étant un monde essentiellement enfantin (c'est-à-dire vu par leurs yeux) les adultes ne sont pas représentés sous leur plus beau jour. Ils représentent avant tout contraintes et interdits, punitions et force.» (*1)
Quick et Flupke vont donc s'en prendre à ces représentants privilégiés du sérieux et de la loi que sont les parents, le policier ou le maître d'école. Rien d'étonnant à ce que cette mise en cause se double quelquefois d'une sorte d'anarchisme politique dont Hitler et Mussolini, représentants caricaturaux du discours adulte, sont plus d'une fois les victimes.


agent n°15 Le principal ennemi des deux personnages est pourtant beaucoup moins redoutable. C'est d'ailleurs un ennemi bien inoffensif, sans rapport avec les Mitsuhirato et les Rastapopoulos qui sévissent dans «Les Aventures de Tintin».
Il s'agit du policier du quartier, le célèbre agent n°15 dont le nom de famille est Vertommen (*2) «Chargé de la surveillance du quartier où habitent nos deux garnements (ce n'est pas un poste de tout repos), il est, de par ses fonctions, le lien entre le monde des adultes et celui des enfants ( ... ) Il joue à saute-mouton, aux billes, s'amuse à faire dérailler le train électrique de Flupke, confisque le lance-pierre des enfants pour s'en servir.» (*3)


Quick Bref, malgré les apparences, l'agent n°15 tient davantage de Tournesol que des Dupondt. Série ironique et irrespectueuse, «Les Exploits de Quick et Flupke» s'attaquent aussi à la bande dessinée et à ses règles.
Hergé ne cesse ici d'exhiber ces codes qu'ailleurs il ne cherche qu'à dissimuler, s'en servant de manière ludique pour créer des gags d'un humour spécifiquement lié à la bande dessinée.
Il fait intervenir à l'intérieur de l'histoire les albums dont les héros sont les personnages et apparaît lui-même dans un grand nombre de planches, généralement pour se faire prendre à partie par Quick et Flupke, ces garnements décidément irrespectueux de tout, y compris de leur créateur.


Flupke D'autres fois, les personnages se cognent sur le bord des cases ou gomment les éléments du dessin qui leur déplaisent, le tout dans un esprit d'absolue liberté. Après la guerre, Hergé, de plus en plus mobilisé par «Les Aventures de Tintin», se verra forcé d'abandonner cette série.
«Les Exploits de Quick et Flupke» continueront pourtant de paraître dans «Tintin» pendant une dizaine d'années, mis en couleurs par les collaborateurs d'Hergé, mais ces planches retravaillées n'auront jamais le même charme que celles du Petit Vingtième.


agent n°15 Autant, en effet, l'univers de «Tintin» s'était trouvé enrichi par la mise en couleurs et le passage aux soixante-deux planches, autant le noir et blanc et la simplicité du trait convenaient à merveille à ces gags presque naïfs. «Quick et Flupke» avaient représenté une étape importante dans la formation du talent d'Hergé.
Cet exercice extrêmement contraignant qu'est le traitement d'un gag en sept ou huit images l'avait aidé à mettre au point le rythme et la souplesse qui caractériseront ensuite ses découpages.


Quick Désormais, c'est dans «Les Aventures de Tintin» que tous ces éléments vont se retrouver, «Les Aventures de Tintin» où viennent d'ailleurs d'apparaître, avec Haddock et Tournesol, des personnages proches de l'esprit de «Quick et Flupke».
Et lorsque l'auteur développera en quelques images un gag autour d'un élastique ou d'un morceau de sparadrap, il ne sera pas difficile de comprendre son origine.


Flupke Le mot de la fin, nous le laisserons à Dominique Labesse qui a parfaitement compris l'esprit de cette série. «Ce qui différencie Les Exploits de Quick et Flupke des autres bandes dessinées du genre, c'est qu'elles ne se contentent pas d'être un recueil plus ou moins bien illustré de farces et attrapes; elles sont une tentative originale, idéalisée certes mais réussie, de création (reconstitution ?) de ce que peut être un univers enfantin.» (*4)

Source : Le monde d'Hergé de Benoit Peeters.

(*1) (*3) (*4) Dominique Labesse, «Quick et Flupke», Schtroumpf, n° 14-15, op. cil., pp. 26-27.
(*2) Tracé Hergé de H.Van Opstal (page 26)



Le Petit Vingtième du 23 janvier 1930

Le Petit Vingtième du 23 janvier 1930.


Est-ce le meilleur moyen pour s'arrêter ?

Est-ce le meilleur moyen pour s'arrêter ?


Pourtant, c'est bon et tendre le veau ...

Pourtant, c'est bon et tendre le veau ...


Hergé, joueur de tennis Britannique ?

Hergé, joueur de tennis Britannique ?


Attention l'agent n°15 va verbaliser !

Attention l'agent n°15 va verbaliser !


L'assistance au freinage selon Flupke

L'assistance au freinage selon Flupke.


Pris en flagrant délit par l'agent n°15 !

Pris en flagrant délit par l'agent n°15 !


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