Notre reporter Jules Rouget, avec l'aimable autorisation d' Antoine
de Kerversau et Les Contrebandiers Editeurs nous présente
la biographie du professeur Hippolyte Calys (1877-1953)
Directeur de l'Observatoire, chef de l'expédition Calys,
composée de messieurs:
Erik Björgenskjöld, Porfirio Bolero y Calamares, Otto Schulze, Paul
Cantonneau, Pedro Joãs Dos Santos, Tintin, et le capitaine Haddock.
Hippolyte Philémon Gaston Calys voit le jour le 6 septembre 1877
à Liverchies, un village du Brabant, province du sud de la
Belgique. Il est le fils de Joseph Honoré
Philibert Calys, banquier, et de Mathurine Louise Méheut,
artiste peintre qui
jouissait au niveau régional d'une certaine renommée. On ne sait
pas précisément ce que recouvrait ce vocable de banquier, mais il
semble acquis
que le couple Calys vivait, sinon dans l'opulence, du moins dans une
certaine
aisance, dont profite le petit Hippolyte, enfant qui, malgré le souhait
et les
efforts de ses parents, devait rester unique.
Le petit Calys entreprend de
sérieuses et coûteuses études à l'école privée
Saint-Frédéric-Prilleux-Pournout
de Charleroi, avant d'être inscrit, à partir de l'âge de dix-sept ans,
à
l'Université Catholique de Bruxelles, établissement huppé fréquenté par
les
rejetons de la haute bourgeoisie outre-quiévraine. Jusque-là élève
agréable et
enfant rieur qui faisait la fierté de ses parents et dont le seul excès
connu
était un penchant immodéré pour les caramels mous, Hippolyte apparaît
quelque
peu perturbé par cet éloignement du cocon familial. Pendant un temps,
il
fréquente plus assidûment les estaminets bruxellois que les salles
d'étude de
son institution.
Comme souvent en pareil cas, cette émancipation, au sens
négatif du terme, provoque l'effondrement de ses résultats scolaires
et, par
voie de conséquence, celle de ses parents. Son père, lors d'une soirée
mémorable qui voit madame Calys pleurer toutes les larmes de son corps,
le
tance sévèrement et le menace, en l'absence d'un redressement immédiat
et
vigoureux de la barre, de lui couper les vivres. La leçon semble porter
ses
fruits puisque, dès l'année suivante, Hippolyte reçoit trois premiers
prix, un
second prix, ainsi que le prix d'excellence.
Ce dernier, comme le montrent les
archives de l'Université, a cependant failli ne pas lui être attribué,
certains
des professeurs estimant que cette distinction n'aurait pas dû être
remise à un
élève redoublant. Quoi qu'il en soit, une fois cette parenthèse
refermée,
Hippolyte Calys va mener une carrière universitaire sans tache.
Avec, en poche, une maîtrise de mathématiques fondamentales, le jeune Calys décide de franchir la frontière pour poursuivre ses études en France, où il pense pouvoir faire des rencontres enrichissantes susceptibles de lui ouvrir les portes de la brillante carrière à laquelle il aspire.
Ce n'est pas sans une certaine inquiétude que ses parents, ayant toujours en tête le malheureux intermède bruxellois, le voient s'éloigner encore davantage du village maternel. Cependant, leur fils, qui frôle la majorité, sait trouver les mots qui les incitent cette fois à lui faire confiance. Surtout, il fait preuve d'une passion et d'un enthousiasme contagieux: il sera astronome, et rien d'autre.
Curieusement, il existe
assez peu de documents sur le séjour parisien d'Hippolyte Calys. On
peut
cependant supposer qu'il mène une existence studieuse, si l'on se
réfère aux
diplômes qu'il récolte les uns après les autres. Il se voit ainsi
décerner en
1900 le Diplôme Supérieur d'Astronomie, en 1902, il soutient avec
succès une
thèse en Astrophysique Fondamentale, puis, en 1912, il obtient
brillamment son
titre de Docteur en Astronomie. C'est au cours de cette période qu'il
fait ses
premières armes en tant que chercheur, à l'Observatoire de Paris
d'abord, où il
commence à se spécialiser dans le domaine de la géodésie spatiale.
Le 3 août
1913, soit, curieuse coïncidence, un an jour pour jour avant que
l'Allemagne déclare la guerre à la France, le Docteur Calys retourne à
Bruxelles, où un poste vient de se libérer au sein de l'Observatoire
Royal de
Belgique. Il fera preuve d'une remarquable fidélité à cette
institution, dont
il gravira tous les échelons et qu'il ne quittera que trente-cinq ans
plus
tard, lors de l'interruption définitive de son activité
professionnelle. Entre
temps, il accumulera les honneurs et les responsabilités au sein de
nombreuses
sociétés savantes belges, au premier rang desquelles la Société Belge
d'Astronomie, de Météorologie et de Physique du Globe, mais aussi
françaises et
internationales.
C'est en tant que Directeur de l'Observatoire qu'il décrit, au début de
l'hiver 1941, le fameux
aérolithe que la presse devait rendre célèbre sous le nom d'étoile
mystérieuse et qui lui apportera une reconnaissance
internationale, même en
dehors des milieux scientifiques. Cet épisode commence toutefois par
une bévue.
Ayant confié la réalisation de ses calculs à un assistant (détail qui,
on le verra, allait quelques années plus
tard contribuer à sa disgrâce) et ayant négligé de les vérifier, il ne
s'aperçoit pas que ceux-ci sont erronés. Cette bévue est d'autant plus
étonnante que l'erreur en question est, comme le prouve le manuscrit
original
versé aux archives de l'Observatoire Royal digne d'un élève débutant en
mathématiques supérieures
(~+b+ 3v2 x (K) au lieu de (~+b+2v3 x (K)
Dans un premier temps, son erreur (en réalité, sa faute) va toutefois
passer
inaperçue, du fait de l'annonce d'une nouvelle qui allait faire le tour
du
monde en quelques heures par la grâce de la Télégraphie Sans Fil:
l'aérolithe
qui a plongé dans les mers australes serait, d'après les photographies
spectrographiques prises au cours de sa chute, porteur d'un métal
inconnu sur
terre. Cette extraordinaire découverte est attribuée au Professeur
Calys et le
nouveau métal est baptisé calystène. Notre confrère décide illico
d'organiser
une expédition polaire pour apporter la preuve tangible de sa
découverte.
Le F.E.R.S. (Fonds Européen de Recherches Scientifiques) débloque
immédiatement
les financements nécessaires et moins de trois mois plus tard, le 18
février
1942, le navire océanographique polaire Aurore appareille du
Havre au
milieu d'une nuée de journalistes et en présence du célèbre Professeur
Auguste
Piccard, l'inventeur du bathyscaphe. Le contexte géopolitique de cette
expédition de même que les péripéties de son déroulement ont fait
l'objet de
maints rapports détaillés et ne seront pas repris ici. On se
contentera de rappeler que cette expédition connaîtra un plein succès,
le
pavillon du F.E.R.S. flottant sur l'aérolithe pendant les quelques
heures précédant sa disparition définitive
dans les profondeurs de l'océan Arctique. Plus important encore, le
navire
polaire Aurore regagnera le port du Havre avec à son bord un
bloc du
précieux calystène.
Cette réussite apportera à son instigateur une célébrité mondiale. Tous les journaux du monde affichent à la « Une » le nom et la photographie du Professeur Hippolyte Calys, qui est invité et honoré par les gouvernements de nombreux pays. Les quelques années qui vont suivre constituent l'apogée de sa carrière et de sa vie.
Las! En 1947, Gaston Victor, un journaliste de Bruxelles, se
fait l'écho dans le quotidien Le
Soir d'un début de polémique entre chercheurs. Selon l'auteur de
l'article,
qui s'appuie sur des sources non révélées, le Professeur Calys se
serait, à
plusieurs reprises, attribué des résultats et des découvertes dont la
paternité
aurait dû revenir à, ou pour le moins être partagée avec, certains de
ses
collaborateurs. Ce qui aurait pu rester une simple querelle entre
scientifiques
devient, du fait de la notoriété du chercheur mis en cause, une affaire
nationale, puis une affaire d'État, puis un scandale international. Les
articles de presse se succèdent, les investigations sont de plus en
plus
approfondies, des noms sont livrés au public.
La polémique Victor, du nom de
celui qui, le premier, la dévoila à ses lecteurs, éclate au grand jour.
Le principal
collègue spolié ne serait autre qu'André-Marguerite Mesplède,
celui-là même
qui, en 1941, fit l'erreur de débutant qui avait amené son supérieur à
conclure, à tort, à une prochaine collision entre l'étoile
mystérieuse et
la Terre. Cette anecdote mise à part, les éléments révélés par la
presse
semblent bien démontrer de façon irréfutable que Mesplède était le
véritable
auteur de la photographie spectrographique de l'aérolithe.
Plus grave, c'est
également lui qui aurait remarqué la présence sur celle-ci d'une bande
inattendue, tout en l'attribuant à la présence de radium. Plutôt que de
reconnaître ces faits, somme toute monnaie courante dans le monde
scientifique,
Calys, sûr de son bon droit, choisit de s'entêter et de s'enfermer dans
un
mutisme qui lui aliène rapidement nombre de ses collègues, mais aussi
la presse
et le grand public. Son image de héros est donc déjà fortement écornée
lorsque
éclate l'affaire qui allait définitivement ruiner sa réputation, sa
carrière et
sa vie: Hippolyte Calys est accusé d'avoir collaboré avec
l'occupant.
Cette
terrible accusation se base sur la nationalité des membres ayant pris
part à
l'expédition arctique: outre Calys lui-même, les autres scientifiques
sont tous
issus de puissances de l'Axe (l'Allemagne) ou de pays ayant fait preuve
d'une
neutralité plus ou moins bienveillante envers l'occupant (l'Espagne, la
Suède,
la Suisse et le Portugal). Le bien-fondé, ou non, de ces allégations
nous a
semblé déborder du cadre de notre étude, même si le cas particulier du
Docteur
Otto Schulze, comme nous le verrons au cours du chapitre qui lui
est consacré,
soulève effectivement quelques questions troublantes.
Fortement fragilisé par l'affaire Mesplède, Calys est, comme on peut s'en douter, mortifié par cette nouvelle attaque. C'est plus qu'il n'en peut supporter et, renonçant à se défendre et sans doute, à soixante et onze ans, passablement usé, il décide de mettre un terme définitif à sa carrière. Le douze juillet 1948, il présente sa démission au Conseil d'Administration de l'Observatoire Royal de Belgique, qui l'accepte.
Il passe les dernières années de sa vie à Liverchies,
reclus dans la maison de ses ancêtres et l'anonymat le plus complet. Le
12
mars 1953, c'est là qu'il s'éteint dans son lit, veillé par sa
gouvernante,
après trois jours d'un coma consécutif à une embolie cérébrale. C'est
dans le
petit cimetière de la commune qui l'a vu naître que repose depuis lors
l'un des
scientifiques les plus adulés et les plus vilipendés du XXe siècle.
Auteur : Docteur Patrick Pommier.
Buste du découvreur du «calystène».
Par les anneaux de Saturne !
Tintin a raison, «errare humanum est» !
Une erreur de débutant !...
Les photographies spectrographiques.
Une extraordinnaire découverte.
Une qestion bien surprenante !
Une expédition financée par le F.E.R.S.
Le logo du F.E.R.S.
Embarquement immédiat sur l'«Aurore».
Les curieuses propriétés du «calystène».
Chronique Précédente. | Sommaire Chroniques | Chronique Suivante. |