Aphonse Dulaurier

Alphonse Dulaurier, le célèbre essayiste et biographe, secrétaire perpétuel de la F.I.S (Fédération Internationale de Sigillographie) nous fait l'honneur de participer encore une fois à nos chroniques. Voici quelques passages de son livre, Piotr Szut, le mitrailleur à bavette (biographie) paru aux Editions du Doryphore, 1962, Amiens.




Piotr Szut le pilote Estonien




Piotr Szut, un ami de Tintin Piotr Szut naît à Valmiera, dans le sud de l'Estonie, le 10 juin 1920. Il est le fruit des amours cachées et éphémères d'Anna Szut, danseuse à l'opéra de Tallinn, et de l'Allemand Peter Willsdorff, officier dans les corps francs du Baltikum. Elevé par sa mère dans le souvenir d'un père mort héroïquement au combat, le jeune Piotr mène une scolarité brillante qui lui permet d'intégrer, en 1935; l'Ecole de Guerre de Tartu. Féru d'aéronautique, le lieutenant Szut rejoint trois ans plus tard l'Armée de l'Air de la jeune république estonienne. Ses prouesses de pilote font l'admiration des hommes de son escadrille mais lui paraissent bien dérisoires lorsque l'Armée rouge envahit sa patrie, en juin 1940. Suspect aux yeux des occupants, comme la plupart de ses frères d'armes, Piotr doit se cacher pour éviter la déportation au goulag. Incognito, il assiste impuissant aux exactions de la soldatesque bolchevique.



Soulagé par l'arrivée des Allemands, en juillet 1941, il accueille favorablement son incorporation dans la Luftwaffe. Après un rapide entraînement, l'Oberleutnant Szut participe à ses premiers vols de harcèlement nocturne sur le territoire de l'URSS. Sa bravoure et son extraordinaire maîtrise sont rapidement reconnues par ses supérieurs et ses compagnons. En janvier 1943, son Heinkel 50, redoutable bombardier en piqué, est la cible d'un feu nourri dans le ciel des faubourgs de Stalingrad. Brisé par la mitraille, le cockpit de l'avion vole en éclats. Un morceau de verre crève l'œil droit du pilote qui parvient néanmoins à rejoindre les lignes allemandes. Hospitalisé en Bavière, Piotr Szut est décoré de la Croix de Fer de première classe. Promu capitaine (Hauptmann), il gagne le front de l'Ouest en qualité d'instructeur. Le débarquement allié de juin 1944 le surprend sur la base aérienne de Maupertus, dans le Cotentin, où tous les avions sont détruits au sol par les bombardements américains. Décidé à lutter malgré tout, Piotr intègre le Kampfgruppe Rohrbach avec lequel il combat avec acharnement les hommes du 22ème régiment d'infanterie U.S. jusqu'à la chute de l'aérodrome, le 27 juin.



Prisonnier de guerre, Szut participe malgré lui à la reconstruction de la France avant d'être libéré, en avril 1947. Le retour en Estonie, devenue république socialiste, s'avérant impossible, Piotr décide de s'engager dans la Légion étrangère et part pour l'Indochine. Affecté au premier Régiment Etranger d'Infanterie, le légionnaire Szut découvre le Tonkin. Il combat courageusement dans le delta du fleuve Rouge, risquant plusieurs fois sa vie sous les tirs des «bo-doï» (les soldats réguliers des bataillons Viet-Minh). En 1953, il demande à intégrer le premier Bataillon Etranger de Parachutistes et saute, le 21 novembre, sur la cuvette de Diên-Biên-Phu. Du 13 mars au 7 mai, 1954, il y subit les assauts de l'armée du général Giap. Lorsque le camp retranché français tombe aux mains des communistes, Piotr est fait prisonnier, comme 10 000 de ses compagnons. Il parviendra à survivre à la «longue marche» et aux brimades infligées par les officiers politiques du tristement célèbre camp n° 42. Heureuse conséquence des Accords de Genève, Piotr Szut est libéré le 4 septembre 1954.



De retour en France, il décide de quitter la Légion pour retrouver, au Khemed, un ancien de la Luftwaffe devenu mercenaire à la solde de Mull Pacha. Dans ce Moyen-Orient qu'il ne connaît pas, Piotr se laisse convaincre par son ami : il devient pilote de mosquito et contribue au succès du coup d'Etat qui chasse du trône khemédite l'émir Ben Kalish Ezab, le 14 mai 1957. Deux semaines plus tard, le commandant Szut est chargé de mitrailler des partisans de l'émir déchu embarqués sur un sambouk. L'esquif est détruit mais le mosquito de Szut est abattu par des tirs d'arme automatique; le pilote parvient à s'extraire de l'avion en flammes et à sauter en parachute! Tombé à la mer, Piotr est recueilli sur le radeau des naufragés qui ne sont autres que le célèbre reporter Tintin et son ami le capitaine Haddock. Miséricordieux, ils sympathisent rapidement avec notre Estonien qu'ils parviendront, après moult péripéties, à sortir de ce mauvais pas.

A son arrivé en Belgique, Tintin intervient personnellement afin que Szut puisse être engagé par la SABENA. D'abord co-pilote, il devient rapidement commandant de bord et assure de nombreux vols long-courriers. Une liaison malheureuse avec une hôtesse de l'air prénommée Natacha le contraint à quitter la compagnie belge en 1964 pour devenir le pilote de l'avion privé du célèbre milliardaire Laszlo Carreidas. C'est dans l'exercice de cette fonction que, trois ans plus tard, il retrouve par hasard Tintin et le capitaine Haddock en Indonésie. Nos amis n'auront guère le temps de célébrer ces retrouvailles : le jet de Carreidas est détourné par les sbires de l'infâme Rastapopoulos ! Prisonniers sur l'île volcanique de Pulau-pulau Bompa, nos amis parviendront à s'évader et à vaincre une nouvelle fois leurs ennemis grâce à l'intervention d'un mystérieux aéronef.



En septembre 1975, Piotr Szut décide de quitter le service de «l'homme-qui-ne-rit-jamais» pour prendre une retraite ô combien méritée. Il achète une maison de campagne dans le Brabant wallon où il peut s'adonner librement à sa nouvelle passion : l'aéromodélisme. Les maquettes en bois des avions qu'il a eu la chance de piloter rencontrent un grand succès à Bruxelles et à Paris et se négocient à prix d'or. Le capitaine Haddock en achète d'ailleurs plusieurs exemplaires pour décorer sa chambre au château de Moulinsart. En 1991, l'Estonie recouvre enfin son indépendance : Piotr n'hésite pas une seconde et prend un aller simple pour son pays natal. A soixante et onze ans, il décide d'y refaire sa vie. Quelle n'est pas sa surprise quand, à Kalaste, sur les bords du lac Peïpous, il retrouve Anna, sa mère, âgée de quatre-vingt dix ans ! Il emménage avec elle dans une datcha, sur une des îles du Lac. Anna meurt en 1995 après avoir confié à son fils le journal de Peter Willsdorff qu'elle était parvenue à conserver, jusque dans les geôles infectes de Sibérie ! Notre ami Piotr Szut vit toujours en Estonie : à bientôt quatre vingt huit ans, il aurait, paraît-il décidé d'écrire ses mémoires...

Piotr Szut, le mitrailleur à bavette

Piotr Szut, le mitrailleur à bavette.


Piotr Szut... moi Estonien

Un interrogatoire musclé...


Ah Szut c'est votre nom !

Suivi d'une réponse explosive...!!


Piotr Szut et Archibald Haddock se retrouvent

Rencontre à l'aéroport de Djakarta.


Pilote privé de Laszlo Carreidas

Le Commandant du «Carreidas 160» ...


Laszlo Carreidas l'homme-qui-ne-rit-jamais

...le jet de «l'homme-qui-ne-rit-jamais».


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